Quand on regarde quelqu'un, on n'en voit que la moitié. 8 ans.

Mr Wind fulminait. Habillé de sa plus belle chemise verdâtre et ses cheveux gras brossés au peigne, l'homme tenait d'une main ferme son petit garçon de huit ans. Une adolescente suivait la scène, quelques pas en arrière. Le trio traversa à la vitesse de l'éclair la cour de récréation grisâtre et déserte, seulement habitée de quelques arbres aux feuilles orangées qui dansaient au gré de la météo capricieuse d'automne. Ils entrèrent dans la salle de classe et firent face à la maîtresse d'école. Cette dernière croisa le regard inquiet du petit garçon.
-Oh vous êtes le père d'Ezreal, merci d'être venu, asseyez-vous monsieur le commissaire.
L'impliqué tira brusquement une chaise et se laissa choir. Il ordonna à son fils de faire de même grâce à sa voix autoritaire qu'il utilisait avec les délinquants les plus récalcitrants. Quand à la fille, elle se posa sur une chaise un peu en retrait, comme une spectatrice impuissante à ce qui allait se produire.
-Alors comme ça mon fils est un voleur ? s'emporta l'homme en détruisant du regard Ezreal. Je suis vraiment désolé madame, je n'ai pas élevé mon fils comme cela et son comportement sera très sévèrement puni.
-Je … entama la professeure avec précaution. A chaque bonne réponse de mes élèves je leur offre un bonbon, et à la fin de la journée c'est toujours Ezreal qui se retrouve avec la majorité des gourmandises alors qu'il ne participe très peu. Je suis allée voir les élèves pour comprendre et chacun m'a répondu une réponse assez floue – à part la petite Camelia qui a traité votre enfant de « petit voleur mytho et trop moche » – mais la vérité reste assez compliquée à trouver.
-La vérité est très simple ma chère dame, railla Mr Wind. Mon abruti de fils n'est qu'un bon à rien ! Il ne sait même pas répondre à une question alors il va manipuler les autres.
-Non non … bégaya la jeune institutrice …
-Méfiez-vous de son air innocent, ce petit n'est qu'une ordure. Je le garde uniquement car c'est la dernière volonté de sa défunte mère mais sinon cela aurait fait bien longtemps qu'il serait sur une aire d'autoroute à …
-Papa ! s'écria la fille, se levant brusquement.
Elle avait beau être une adolescente frêle et minuscule par rapport à son père, elle semblait sacrément remontée. Ezreal se leva et alla rejoindre sa sœur pour se cacher derrière elle.
-Laisse tomber, fit le petit garçon, il a pas de couilles de toute façon.

La course poursuite qui eut lieu dans la salle de classe marqua à tout jamais la toute jeune institutrice.



Ou se rebeller ou trahir, on ne nous laisse guère de choix, à nous les simples. 17 ans.

Comme d'habitude dans la petite maison de l'ouest de Newcastle, la calme soirée d'hiver explosa en cris et en claquements de portes. Mr Wind débarqua dans l'entrée où venait d'entrer son fils, cigarette à la main, alors que l'horloge venait de sonner tristement vingt-trois heures. Le commissaire entra dans une colère noire en hurlant à son fils qu'il n'était qu'un bon à rien et qu'un petit con incapable de rentrer à des heures respectables. Ezreal ne répondit que par un haussement d'épaules et écrasa sa cigarette sur la moquette. Le père hurla, le fils ne répondit que par des piques bien placées et un sourire insolent ; ce qui mit le feu aux poudres.
-Je ne t'ai jamais aimé, lâcha l'adulte. Tu es mon pire échec
-Dit-il alors que même sa femme s'est pendue tellement il était chiant !
La réponse de l'adolescent retentit comme le glas de fin de tout retour en arrière. L'adulte attrapa l'arme de service qui était caché dans le manteau accroché près de lui et le pointa sur son fils. Ezreal tenta de cacher sa surprise, et continua de répondre d'un air méprisant :
-T'es tellement lâche que tu ne le feras pas.
Pour toute réponse, il y eut une détonation.
Néanmoins, Mr Wind n'avait pas tiré. Les deux adversaires se retournèrent brusquement et virent la tireuse en haut des escaliers. Wendy.
-Où as-tu eu ce revolver ? s'enquit le père avec frayeur.
Wendy ne répondit pas. Ezreal avait connaissance de cette arme. Il avait même déjà vu sœur tirer en secret. A la place de répondre, la grande sœur de dix-neuf ans ordonna à son père de poser son arme. Pris de court, ce dernier obtempéra. Wendy pointa son frère du doigt.
-Toi. Dans ma chambre. Tout de suite.
Ezreal monta sans un mot, passa devant sa sœur qui avait le bras toujours tendu et tenant fébrilement l'arme, puis s'engouffra dans la pièce réservée à Wendy. Celle-ci lui emboîta le pas et ferma la porte à clef. Elle ne dit qu'une seule phrase : fais tes valises.
Elle tira ensuite une malle de sous son lit. Elle était pleine de ses affaires, d'argent, et de divers objets du quotidien.
-Tu savais qu'on allait partir, comprit Ezreal.
-Oui Ez, je savais parfaitement que vous alliez vous entre-tuer un jour ou l'autre. J’espérai au moins que tu serais majeur. Tant pis, tu le seras l'année prochaine.
Le jeune brun partit dans sa chambre et rassembla très vite ses affaires. Puis il rejoignit sa sœur et ils s'en allèrent sans un bruit à travers le brouillard hivernal.



Le destin nous attend toujours au coin de la rue. Comme les putes. 18 ans.

L'appartement était minuscule, mais cela suffisait à la sœur et au frère. Celui-ci n'était presque jamais là. Il racontait comme pour rire qu'il allait « se promener » mais Wendy connaissait très bien la vérité. Elle avait tout fait pour le dissuader de ne plus faire cela, mais le cadet n'en faisait qu'à sa tête. Elle le surprotégeait et elle était la seule de qui il acceptait une remarque ; cependant Ezreal était toujours aussi entêté. Il avait arrêté ses études et passait ses journées à errer, faire la fête, et coucher à droite à gauche. Par simple envie ou en tant qu'escort-boy, le sexe était une activité à plein temps. Les gens du coin avaient tous entendu la rumeur à propose de ses activités hors-la-loi ; mais Ezreal faisait très attention à ne jamais avouer son métier à voix haute, pour ne pas être inquiété par la justice. Surtout avec un père, pire ennemi, qui était commissaire.
Il gagnait sa vie avec cela, en plus de quelques extorsions de maris effrayés que leurs femmes apprennent la passion de leur mari pour un jeune homme prostitué. Ezreal se plaisait à les faire chanter, car il gagnait des récompense matérielles tout comme morales. Les rumeurs. Ezreal adorait fouiner dans les histoires, et quelquefois ses activités sexuelles lui apportaient des confidences croustillantes. Confidences qu'il emmagasinait avec une fierté presque malsaine.